Potentiel évoqué #1 – Rencontres d’automne
C’était un après-midi d’automne. Un de ceux où l’on peut encore apprécier la douceur des rayons du soleil. Dans le parc municipal, les arbres étaient parés de multiples teintes orangées. Le tapis de feuilles était épais. C’était beau à regarder. Et apaisant. C’est pour cela qu’elle avait choisi le parc pour venir y abandonner sa tristesse. Assise sur un banc, elle pleurait. Depuis plusieurs minutes. Peut-être même plusieurs heures. Elle pleurait parce que l’homme qu’elle aimait venait de la quitter pour une autre. Et du haut de ses 20 ans c’était comme la fin du monde. Rien de moins. Jamais plus elle ne pourrait aimer quelqu’un, ni faire confiance à un homme.
Lui était venu se promener dans le parc. Comme tous les ans, il venait rendre visite à sa grand-mère pour son anniversaire. Il aimait l’automne. Les couleurs, les parfums. Il l’avait d’abord entendu pleurer avant de la voir sur le banc. Elle paraissait si malheureuse. Et pourtant elle était si jeune. Il lui semblait qu’ils devaient avoir le même âge.
Il s’approcha et aussi discrètement que possible prit place sur le banc. Au bout de quelques instants elle a levé les yeux vers lui. Il lui a sourit et tendu un mouchoir. Il lui a demandé pourquoi elle pleurait ainsi. Elle lui a raconté, le chagrin, la trahison, la certitude de ne plus jamais aimer de nouveau. Il l’a écouté. Et puis il a fait ce pour quoi il était si doué depuis tout petit, il l’a fait rire. Avec des jeux de mots, avec des blagues. Les larmes se sont arrêtées. Ils ont profité de cette fin d’après-midi d’automne pour faire connaissance.
Elle vivait ici depuis toujours avec ses parents et ses sœurs. Il était de passage juste aujourd’hui. Mais il revenait tous les ans. Au moment de se quitter il a dit sous forme de boutade « on se revoit l’année prochaine ? ». Elle a acquiescé. Le rendez-vous était pris.
Le temps s’est écoulé. Les jours, les semaines, les mois. Un an pour être exact.
Fidèle au rendez-vous, elle était assise sur le banc. Elle ne pleurait pas cette fois-la. Elle avait même pratiquement oublié le prénom de celui pour lequel elle avait eu le cœur brisé. C’est ce qui se passe lorsque l’on est jeune. La force du chagrin est la même que celle de l’oubli. Elle se disait qu’elle était folle d’être venue. Il ne serait sans doute pas la. Il avait du l’oublier.
Et puis au loin, elle aperçut une silhouette. Un homme marchait vers elle. C’était bien lui. Comme un an auparavant, ils ont parlé, ils ont ri. Il lui a demandé des nouvelles du briseur de cœur. Elle lui a répondu « de qui parles-tu ? ».. Il lui a parlé des études qu’il faisait, de ses rêves, de ses projets. Elle lui a fait écouter la musique qu’elle aimait, lui a parlé des derniers livres qu’elle avait lus. Le temps a filé. Le soleil déclinait derrière les arbres orangés. Il a fallut se séparer. Promesse était faite de se retrouver l’année suivante.
Pendant 30 ans, ils se sont retrouvés ainsi tous les ans. Elle attendait ce moment avec impatience. Tous les ans, ils se racontaient leurs vies. Il a eu son diplôme et décroché un emploi dans le secteur qu’il convoitait. Elle est devenue enseignante. Il est tombé amoureux et a été quitté. Elle aussi. Une année il lui a annoncé qu’il allait se marier. Deux ans après qu’il avait eu une petite fille. Elle aussi vivait des histoires d’amour mais rien ne durait jamais longtemps. Chaque année, assise sur son banc à l’attendre, elle espérait. Peut-être qu’il n’était pas heureux avec sa femme. Peut-être qu’il allait s’apercevoir que c’était elle qu’il aimait en secret. Peut-être qu’il allait le lui avouer. Peut-être que cette année ils ne se sépareraient pas à la fin de la journée. Cela faisait beaucoup de peut-être, mais c’était tout ce qu’elle avait. Après tout sa grand-mère était décédée depuis longtemps, et il continuait à venir la voir tous les ans à la même date.
Ils étaient heureux de se retrouver mais ils se séparaient à la fin de chaque après-midi. Elle a finit par épouser le type avec qui elle vivait une histoire depuis quelques mois. Par lassitude peut-être. Par désespoir sans doute. Pour ne pas être seule. Pour avoir quelque chose à lui raconter l’année suivante. Une vie agréable, avec un type gentil. Mais une vie sans amour passionné, une vie sans cœur qui palpite. Ça n’a pas tenu la distance. Elle a finit par divorcer.
Une année il lui a annoncé que sa femme était malade, une saloperie de maladie. Et puis l’année suivante il était veuf. Cette année-la pour la première fois, c’est lui qui a pleuré. Et c’est elle qui a essayé de faire des blagues pour le faire rire.
Aujourd’hui, assise sur son banc, elle repense à toutes ces années écoulées. A tous ces rendez-vous dans ce parc. Il n’y en a pas eu un de manqué. Pas un.
Elle l’aperçoit au loin. Sa démarche n’est plus aussi alerte mais il continue à avoir fière allure. Il est suffisamment proche pour qu’elle distingue le sourire qu’il lui adresse. Il parait moins triste que l’année dernière. Le temps aussi fait son office. A 20 ans comme à 50.
Il s’assoit à côté d’elle. Il garde le silence. Inhabituel. Puis il lui prend la main, la regarde et prononce la phrase qu’elle a attendu toute sa vie, la phrase qui fait chavirer son cœur « je crois que je vais rester ce soir ».
« Cet article a été rédigé dans le cadre du projet « Potentiel Evoqué » proposé par PapaPanique.
La photo « Amoureux d’Automne » nous a gracieusement été offerte par la photographe Mila Deth
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Je suis super contente de participer !! Vivement la prochaine photo !
Magnifique!!!
Merci bcp !!!!!! Je suis super contente de ce texte !!!! 🙂
Superbe, encore une fois. Je ne savais pas que tu participais toi aussi, mais très très contente de partager avec toi et les autres ce projet, ça fait de chouettes histoires à lire. Et la tienne est particulièrement réussie. Des bisous !
Merci bcp !!!! En fait j’ai vu ca chez estamillia ! Puis j’ai lu le tien. Et tu sais combien j’aime ecrire des nouvelles !!! 🙂
Une histoire pleine de tendresse. Bravo
Merci beaucoup !
Très joli texte … merci.
Mais merci à toi de l’avoir lu !!! <3
Encore un très beau texte 🙂 jamais tu nous décevras.
C’est gentil ma crevette !!! Merci beaucoup !!!! J’ai une affection grandissante pour ce texte.. J’ai comme une idée pour le développer… 😉
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