1 vendredi / 1 nouvelle – Nouvelles à 4 mains
Petit exercice de style cette semaine. Estamillia et moi nous avons chacune écrit le début d’une histoire. Puis nous avons terminé celle de l’autre. Vous suivez ?
Nous sommes parties d’un scénario identique : une femme assise dans un café. Elle attend quelqu’un. Elle reçoit un coup de téléphone.
Et de ce scénario identique sont nées deux histoires complètements différentes !
Alors ci-dessous vous trouverez mon histoire terminée par estamillia. Et je vous mets à la fin le lien vers le blog d’estamillia ou vous retrouverez son histoire terminée par mes soins ! Deux nouvelles pour le prix d’une ! Ecriture à 4 mains.
Nouvelles à 4 mains
Le café est bondé. Si elle avait su elle aurait choisi un autre endroit pour retrouver Stéphane. Le soleil qui brille depuis ce matin au-dessus de la ville a manifestement conduit les gens hors de chez eux. Elle est assise en terrasse et elle sent bien qu’elle va avoir du mal à conserver sa table s’il n’arrive pas très vite. Elle a commandé un virgin mojito qu’elle a déjà bu à moitié. Il est en retard. Cela ne lui ressemble pas pourtant.
Elle observe discrètement ses voisins de table, une famille avec deux enfants. La mère visiblement épuisée tente de maintenir sur leur chaise les enfants surexcités qui eux n’ont à priori qu’une envie courir partout. La mère de famille ne l’entendrait surement pas de cette oreille, mais au fond elle l’envie.
Mais comment envisager de construire quoique ce soit avec la vie qu’elle mène. Toujours en mouvement, toujours entre deux avions, un boulot de journaliste qu’elle adore mais qui la prive d’un semblant de vie privée.
La trentaine passée, elle sent bien qu’elle est au carrefour de quelque chose. Continuer sur sa lancée et renoncer à ses croyances de petites filles, ou tout arrêter.
Elle détourne le regard, aujourd’hui elle n’arrive pas à soutenir l’image de cette famille qu’elle n’aura probablement jamais.
Elle jette un œil sur sa montre. Près de 45 minutes de retard. Lui qui est si ponctuel d’habitude. Elle ne peut s’empêcher de penser au pire. Depuis qu’elle travaille avec lui, l’admiration qu’elle porte à Stéphane n’a cessé de grandir. Elle admire ses talents d’analyse, sa capacité à trouver les bonnes informations. Ils font équipe. Il est l’enquêteur, elle rédige les papiers. Cela fonctionne pas trop mal, les rédactions commencent à connaitre leurs noms, à leur passer des commandes.
Depuis quelques semaines, ils bossent sur une affaire de trafic d’œuvres d’art. Et ce qui paraissait n’être au départ qu’une petite escroquerie est en train de prendre des proportions conséquentes. Stéphane a découvert qu’il y avait dans le réseau des commissaires-priseurs hauts placés. Des copies d’œuvre sont réalisées puis vendues avec certificats d’authenticité, pendant que les originaux sont écoulés à prix d’or sur un marché parallèle.
Stéphane l’a appelé à ce sujet ce matin à 7h30. Il était surexcité, à priori, il avait découvert des éléments lui permettant de faire tomber tout le trafic.
– Tu ne croiras pas ce que je vais te montrer Pauline. Mais je ne veux pas t’en parler au téléphone, on ne sait jamais.
– Il faut que tu arrêtes avec cette paranoïa. Nous ne sommes personne, je ne vois pas qui pourrait s’intéresser à nos conversations.
– Tu vas voir qu’avec l’article que nous allons publier, nous allons devenir quelqu’un ! Je peux être chez toi d’ici 30 minutes.
– Je t’arrête tout de suite. Là je suis dans mon lit, les cheveux en bataille, la paupière ensommeillée, il n’est pas question que tu débarques. Laisse-moi le temps de me réveiller tranquillement, de me redonner une apparence normale. Si tu veux on se retrouve au café qui se trouve en bas de ma rue vers 14 heures ? Ça te va ?
– J’y serais. Ne sois pas en retard. Nous aurons ensuite du boulot pour ficeler l’enquête et écrire le papier du siècle !
– Y a intérêt à ce que cela vaille le coup. J’avais autre chose de prévu figure toi pour cet après-midi !
– A d’autres, tu n’as quasi pas d’ami, tu vis pour ton boulot, on est pareil toi et moi.
Il avait tellement raison. Elle avait réprimé un sourire et raccroché.
Il était maintenant 15 heures et toujours pas de Stéphane.
Il lui est arrivé quelque chose. Elle en est maintenant convaincue. Il a dû avoir un accident de moto ou un truc du genre.
Elle sent son téléphone qui vibre dans la poche de sa veste. Un regard au numéro qui s’affiche. C’est Stéphane. Elle décroche rapidement.
– Qu’est-ce que tu fiches bon sang ! Cela fait une heure que je t’attends-moi ! Et c’est toi qui me demandais de ne pas être en retard !
– Désolée Pauline, un contre temps. Il faut absolument que tu me rejoignes chez moi. C’est important. Viens tout de suite.
– Mais qu’est-ce que tu me fais ?
Sa phrase reste sans réponse, il a déjà raccroché. Quelque chose ne tourne pas rond. Une boule d’angoisse commence à se former au fond de son estomac.
Elle règle sa consommation puis quitte le café. Stéphane habite à l’autre bout de la ville. A pieds cela prendrait trop de temps. Elle hèle un taxi et lui indique la direction. Pendant le trajet elle essaie de rassembler les pièces du puzzle. Ce matin il lui a dit qu’il avait trouvé des éléments pour leur enquête, des preuves pour faire tomber le réseau. Il ne lui a pas dit en revanche comment il les avait obtenues. Elle pressent que cette affaire est trop grosse pour eux. Elle pressent au fond d’elle qu’ils sont entrés en terrain miné.
Le taxi la dépose devant l’immeuble de Stéphane. Inutile de sonner, depuis le début de leur collaboration chacun a pris soin de faire un double de ses clés pour l’autre. On ne sait jamais disait-il.
Elle grimpe quatre à quatre les marches des deux étages qui la séparent de l’appartement où il vit. La porte est fermée à clé, elle utilise son double pour déverrouiller la porte puis elle entre.
– C’est quoi toute cette protection ? Tu fermes ta porte alors que tu es chez toi maintenant ?
Pas de réponse. Elle fait quelques pas vers le salon. Elle craint le pire. Elle regarde autour d’elle se demandant mentalement ce qu’elle pourrait utiliser pour se défendre au cas où.
Elle n’entend pas les pas derrière elle. Elle n’a quasiment pas le temps de sentir le coup violent qu’elle reçoit derrière la nuque. Elle s’écroule sur le sol.
Pauline ouvre doucement les paupières, une migraine affreuse lui martelant les tempes. Pourquoi n’arrive-t-elle pas à bouger les bras et les jambes, et pourquoi fait-il si sombre, où est-elle ? Doucement, ses yeux s’habituent à la pénombre et elle comprend qu’elle est ligotée dans ce qui ressemble à une cave. Dans la pièce sans fenêtre, une odeur âcre de moisissure se mêle à une forte concentration de poussière, rendant l’air peu respirable. Des vieux pots de peinture et des cartons de toutes les tailles jonchent le sol en terre battue. Pauline semble deviner des petits mouvements dans le coin opposé à la pièce, et entend de petits couinements qu’elle préfère ne pas identifier. Derrière elle, quelqu’un est pris d’une violente quinte de toux qui la fait sursauter. Se tordant le cou, Pauline tente de voir de qui il s’agit. La peur lui noue l’estomac.
– Qui est là ? chuchote-t-elle d’une voix tremblante.
– Hey, salut la Belle au Bois Dormants, tente de plaisanter la voix de Stéphane plutôt enrouée.
– Où sommes-nous ? Dans quel pétrin tu nous as fourrés ?
– Bienvenue dans ma cave ! Tu te rappelles de notre article, où ils ont tapé trop fort sur ta petite tête délicate ?
– Je me souviens très bien, et j’aimerais savoir pourquoi je me retrouve ligotée dans ta cave. La version courte s’il te plait.
– J’ai infiltré le réseau pour obtenir des preuves suffisantes, et quelques photos.
– Tu as fait quoi ?! crie Pauline en montant dans les octaves.
– J’ai identifié le cercle de peintres qui participent à la réalisation des contrefaçons, et j’ai utilisé mes quelques talents d’artiste pour l’intégrer.
– Pourquoi tu ne m’as rien dit ? Et depuis quand tu sais peindre au fait ?
Pauline sait que cette question n’a rien de pertinent, mais depuis le temps qu’elle travaille avec Stéphane, elle pensait tous savoir de lui et est un peu choquée d’apprendre qu’il puisse facilement se faire passer pour un faussaire auprès de professionnels de l’art.
– Parce que je ne savais pas si ça marcherait, et ça a été très vite… et oui, je sais peindre. J’ai tellement de talents cachés qu’il nous faudrait des jours pour en dresser la liste, alors je t’ai épargné ça, badine-t-il.
– Très drôle, tu ne peux pas le voir parce que je te tourne le dos là, mais je suis morte de rire. Explique moi plutôt ce qui a mal tourné ?
Stéphane lui explique avoir reçu une commande, un Van Gogh qui s’est retrouvé sur le marché depuis quelques jours. Pour ce bijou de plusieurs millions d’euro, et les commanditaires sont dans l’urgence. Leur empressement les a obligé à être beaucoup moins précautionneux qu’à l’accoutumé. Une des têtes du réseau s’est donc passée d’intermédiaire pour rencontrer Stéphane. Au fil de ses explications, Pauline sent l’excitation grimper dans sa voix, mais n’arrive pas à la partager. Peut-être à cause des liens qui lui brûlent les poignets ?
– Et c’est un très gros poisson, comprend-elle.
– Oh oui, peut-être un peu trop gros pour nous. C’est pour ça que je voulais te voir ce matin, il faut écrire cet article dans l’urgence avant que toutes les preuves ne disparaissent.
– Ça me semble un peu compromis là, ironise Pauline en se dandinant sur sa chaise.
– Oh, ça ! non, c’est juste un bizutage pour s’assurer qu’on n’est pas flic. Ça pique un peu, mais les gros bras vont venir nous libérer et s’ils ne voient pas une voiture de police dans l’heure, ils m’emmèneront à l’entrepôt pour que je commence le travail avec le tableau original sous les yeux.
– Et moi, pourquoi je me retrouve mêlée à tout ça ?
– Ils ont vérifié mon journal d’appel, et comme je t’ai contactée ce matin, ils ont voulu également s’assurer de ta… coopération.
– Charmant ! et donc tu penses qu’ils vont nous laisser partir, juste comme ça ? et tu ne veux pas appeler la police quand nous sortirons, c’est ça ?
– Ta perspicacité est vraiment la première de tes qualités Pauline !
Comme prévu, les grands méchants viennent libérer Stéphane au bout de quelques heures. Pauline se retrouve seule, dans le noir, avec juste la compagnie de ce qui ressemble de plus en plus à une grande famille de rats au fond de la cave. La panique comment à la submerger : et si personne ne revenait ? Et s’il arrivait malheur à Stéphane ? Avant d’entendre les pas lourds des grosses brutes dans l’escalier, Stéphane avait dit « tu peux commencer à écrire tout ça dans ta tête, nous n’auront qu’une heure ou deux après mon retour pour trouver un journal capable de le publier avant que la machine ne tente de nous broyer ». Il lui avait révélé tous les détails importants de l’affaire, elle a maintenant tous les éléments en main pour écrire l’article du siècle. Il lui a également indiqué la consigne de la gare où toutes les preuves sont cachées, au cas où… Mais elle préfère ne pas y penser. Elle ferme les yeux et sert les dents. Pour une fois, elle regrette de ne pas avoir de dieu à prier pour que toute cette histoire se finisse bien. Stéphane lui avait assuré que tout irait pour le mieux, et c’est lui qui prenait tous les risques. Elle se sent un peu lâche, finalement, assise là, sur sa chaise.
Le temps semble s’étirer à l’infini, Pauline n’a plus aucune notion du temps et fini même par s’endormir. C’est une main baladeuse dans son décolleté qui la réveille en sursaut.
– Ne la touchez pas ! ordonne Stéphane d’une voix calme mais sans appel.
– Oh allez, elle est jolie ta copine, tu peux bien nous la prêter un peu.
– Désolé les gars, je ne suis pas partageur, et si vous voulez que je vienne finir le boulot demain, il va falloir me laisser me reposer. Et je dormirai beaucoup mieux si elle est avec moi, tranquillement au fond de mon lit.
– Ok très bien, allez au dodo les tourtereaux. Mais tu vas nous préparer une chambre d’amis, on ne laisse pas nos petites mains en or gambader en plein milieu d’un travail comme celui-là.
Les deux molosses qui jouent les baby-sitters ont verrouillé la porte d’entrée et coupé toutes les lignes téléphoniques. Pauline et Stéphane se retrouvent seuls dans le grand lit de la chambre au bout du couloir. Elle réalise qu’elle n’est jamais venue dans cette pièce. Pourtant, elle ne s’y sent pas étrangère : le désordre ambiant reflète bien la personnalité de son collègue, mais ça sent bon la vanille et le lit est fait avec des draps propres. Surement à cause de sa nervosité et de sa gêne, Pauline s’allonge à côté de Stéphane en gloussant. Il a beau lui faire signe de se taire, elle ne parvient plus empêcher de monter en elle un éclat de rire. Alors, il l’embrasse. D’abord en plaquant un peu brutalement sa bouche sur ses lèvres. Puis, ce qui devait être un simple geste provocateur se transforme en baisé passionné qu’elle lui rend. La situation n’est pas idyllique, mais finalement, elle leur ressemble. Et c’est comme avec un poids en moins sur la poitrine que Pauline s’endort, sans trop réfléchir à ce que sera le lendemain.
Assise au bord du lac, Pauline caresse doucement son ventre rond. Un an déjà que leur article avait été publié. Les retombées médiatiques et politiques les avaient obligés à quitter le pays. Ils devaient « se mettre au vert » quelques temps, leur avait conseillé l’inspecteur à qui ils avaient confié les preuves qui permettront d’inculper les gros bonnets du réseau. Ils avaient atteint leur objectif professionnel ensemble, la concrétisation de leur rêve. Leur petite aventure ne leur avait coûté qu’une bosse sur la tête, et tout c’était finalement déroulé sans encombre. Elle se souvient de cette époque de sa vie où elle pensait devoir choisir entre famille et travail. Finalement, c’est la vie qui avait choisi pour elle. Aujourd’hui, tout ça semble tellement loin. Tout ce qui compte à leurs yeux, à tous les deux, c’est la petite vie qui grandit sous son nombril. En définitive, le reste n’a plus vraiment d’importance.
Crédit photo : Marie BOVO
Voila !! J’espère que cela vous a plu ?? Si vous en voulez encore, je vous invite chaudement à aller lire ici le texte d’estamillia avec ma fin
Wahou quelles histoires !!!
Bravo à toutes les deux elles sont vraiment chouettes, et c’est une très bonne idée que vous avez eu.
Toujours une fin inattendue pour toi hein ?
Oui c’était très chouette de faire ca !!
Tu parles de ma fin sur le texte d’estamillia ? Oui j’ai essayé de prendre le lecteur à contre-pieds !! 🙂
Oui c’est ça. Je ne m’y attendais pas du tout 😉
Je suis contente alors !! C’était un peu le but ! Continuer dans le chemin tracé par le début d’estamillia et vous surprendre ! 🙂
Comme d’habitude, tu joues la pause ensoleillée dans mon vendredi et j’adore! en plus double dose cette semaine, tant mieux. Et je t’envie toujours ton art de la chute.
Oui c’est le petit cadeau de ce vendredi !! 2 pour le prix d’1 !!! Et merci pour la chute ! 🙂
Voilà donc je vous le redis ici : vos plumes se marient à merveille. Bravo à vous 2. On en redemande.
Merci a toi !!!! C’etait chouette de faire ca !!!! Je pense qu’on le refera ! 🙂
juste bravo !!
je vais de ce pas aller lire la 2eme nouvelle!
C’est une belle idée que vous avez eu
Merci beaucoup !!! J’espere que la 2eme t’a plu !!!
Ouhaou mais quel suspense de folie !!! Impossible de m’arrêter au milieu alors que F s’est endormi et que j’aurai pu retourner au lit bien avant !!
Bien joué les filles c super !!
On se doutait un peu qu’ils finiraient ensemble mais on aime les histoires qui finissent bien, surtt à 3h du matin 😉
Oui vive les histoires qui finissent bien !!! RIP ton sommeil… Oups… Desolee… 😉
Mais je suis impardonnable, j’avais complètement oublié de te dire à quel point vous êtes formidables toutes les 2…
Non mais franchement vous avez un vrai talent, je suis, j’étais et resterai (quoi Stromae en aurait fais une chanson
Ca aurait ete dommage d’oublier de nous le dire !!! Parce que les compliments nous on aime ca ! 🙂
oui, je plussoie, on aiiiiime les compliments ^^