1 vendredi / 1 nouvelle – Un vol vers toi
Un vol vers toi
« Les passagers du vol n° 87354 à destination de Bucarest sont attendus porte C »
L’annonce de l’opératrice la sort de sa torpeur. Assise sur le banc de métal, froid et inconfortable, elle a fini par se perdre dans ses pensées. La boule qu’elle a au fond de l’estomac ne l’a pas quitté depuis hier. Lorsqu’elle a réalisé que c’était pour bientôt. Que dans quelques heures elle pourrait tenir dans ses bras cet enfant qu’elle attend depuis si longtemps.
Il lui faut maintenant se lever et monter dans l’avion. Mais d’un coup elle n’en a plus la force. La peur la cloue sur place. Et si elle n’était faite pour être mère ? Et si elle ne parvenait pas à rendre heureux ce petit garçon qui l’attend et qu’elle ne connait pas ? Et s’il ne l’aimait pas ?
Comme pour se donner du courage, elle sort de son portefeuille la seule photographie qu’elle a de lui. Petit garçon aux cheveux blonds assis par terre, la mine sérieuse, le regard intense. Elle effleure de ses doigts les joues de l’enfant, comme elle le fait chaque jour depuis qu’elle a reçu le cliché. Son fils. Bientôt. Derrière il y a une inscription « Florin – 2 ans ». C’est un joli prénom, elle s’est dit qu’elle ne le changerait pas.
Elle repense à ce jour de mai où elle a décidé d’adopter. Elle s’en souvient comme si c’était hier. Seule depuis quelques mois, elle pleurait sur sa solitude. A près de 36 ans, il n’y avait personne à qui raconter sa journée, personne pour partager avec elle un bol de pop-corn devant un bon film, personne avec qui s’engueuler et personne pour faire d’elle une maman. Ce jour-là elle avait décidé qu’elle n’était pas obligée de renoncer à tout. Qu’il lui était encore possible d’accueillir un enfant.
Le lundi suivant elle avait pris les renseignements sur les démarches à accomplir. Elle avait déposé son dossier très vite, pour ne pas se laisser le temps d’y renoncer.
Elle se souvient de l’attente fébrile, de l’angoisse de la réponse négative, de l’entretien avec la psychologue… Cet entretien où elle avait dû expliquer, se justifier presque de cette envie de devenir mère. Ça lui paraissait tellement injuste. Comme une double peine. Les personnes en couple n’ont pas à apporter de justificatifs pour devenir parents. Les personnes seules, si.
Et puis finalement, la réponse positive, l’agrément. L’euphorie du moment. Elle se voyait déjà emmener son enfant la semaine suivante à la crèche. Comme si le plus dur était fait. Comme si le téléphone allait sonner dans l’heure pour lui annoncer une bonne nouvelle. Que quelque part un enfant attendait qu’elle vienne le chercher, qu’il fallait qu’elle se dépêche.
C’était il y a 2 ans.
La joie avait progressivement fait place aux doutes, puis elle avait cessé d’y croire.
Et, il y a 3 semaines, elle avait été contactée par un orphelinat de Bucarest. Si elle le voulait toujours, il y avait là un petit garçon… Elle avait reçu la photo. Elle lui avait caressé la joue et elle avait pleuré.
« Dernier appel pour les passagers du vol n° 87354 à destination de Bucarest »
Elle se dit que ce n’est pas le moment de flancher. Il y a là-bas un petit garçon qui a besoin d’elle, qui espère. Des petits bras qui attendent de pouvoir serrer quelqu’un.
Elle s’apprête à ranger la photo et puis finalement elle la glisse dans la poche de son pantalon. Elle attrape le sac qu’elle avait glissé sous le banc et se lève. Oui, elle va le prendre cet avion. Oui elle va aller à la rencontre de Florin et lui dire combien elle l’aime sans le connaitre.
Le vol lui parait durer une éternité. La photo n’a pas quitté sa poche. Elle la sent à travers le tissu, comme une douce chaleur, comme une promesse d’un lendemain heureux.
Chaque pas qu’elle fait à la descente de l’avion la rapproche de cette rencontre. Le lieu est gigantesque, la langue inconnue, et si elle n’y arrivait pas ?
Elle repère un taxi et lui tends l’adresse de l’orphelinat. Pendant le trajet le chauffeur tente de converser avec elle dans un anglais approximatif, tout autant que le sien. Le silence finit par s’installer. Elle regarde défiler les immeubles, les rues, les arbres. Elle veut graver dans sa mémoire tous ces détails, parce qu’ils seront à jamais rattachés à ce jour où elle a pris son fils dans ses bras pour la première fois.
Sur les marches de l’orphelinat, elle se répète les quelques mots qu’elle a appris « Sunt Mélanie. Sunt noua ta mama ».
Son cœur bat à un rythme effréné. La directrice de l’orphelinat vient à sa rencontre. Une femme grande à l’air avenant. Elle lui demande si elle a fait bon voyage, si elle souhaite déposer sa valise ou prendre un verre d’eau. Non, maintenant qu’elle est là, elle ne souhaite rien d’autre que de le voir. Rien d’autre que de pouvoir lui caresser la joue et en sentir la chaleur.
La directrice la conduit dans une salle. Il y a des tapis de sol, des caisses de jouets, des petites chaises. Deux petites filles coiffent une poupée et se chamaillent pour lui donner le biberon. Et puis au fond de la salle, un petit garçon. Assis par terre avec un petit camion de pompier.
– Florin ? Aici Mélanie. Mama ta.
Le petit garçon lève la tête. Leurs yeux se croisent. Puis timidement, il lui sourit.
Très jolie histoire. Bravo, encore. Tu sais vraiment bien manier les émotions.
Merci !! Tu es toujours la première à commenter la nouvelle du vendredi !! Ca compte énormément !! 🙂
C’est parce que je l’attends chaque vendredi ! 😉
Et je t’en remercie !!!!!
Encore une fois une tres belle histoire avec tous les bons mots !
C’est gentil !!! Tous ces mots d’encouragement me touchent enormement !!
Tu m’as fait pleurer avec tes mots si justes. trop d’émotions si bien dîtes. Merci!
Oh bah ma belle… Faut pas ! Mais ca me touche bcp en tout cas !
Ca m’a beaucoup beaucoup émue
Tu as raison de dire double peine !
Merci encore d’etre la fidele au poste !!
Encore une nouvelle réussite! Très joli texte.<3
Merci !!!! <3
Touchée ! L’adoption est un parcours du combattant. Belle nouvelle encore une fois 🙂
Merciiiii !! Je ne peux qu’imaginer combien ca doit etre difficile.
Comme ttes les semaines de la nuit vendredi à samedi je lis ta nvelle et comme à chaque fois je suis totalement bleuffé par ton écriture !
Ne t’arrêtes pas et surtt crois en toi, tu as un don !
Tu es adorable !!! Compte sur moi maintenant que je suis partie je n’ai pas l’intention de m’arreter ! 🙂
Très touchant
Des bisous !!!