S’aimer comme partout ailleurs
Il s’appelle Camil. Elle s’appelle Chiraz. Il est palestinien. Elle est israélienne. Ils ont 20 ans. Ils s’aiment. Comme deux personnes peuvent s’aimer partout dans le monde. Mais pas chez eux. Pas encore. On pourrait s’arrêter la. Comme si tout était résumé. Comme si tout était tracé.
Pourtant, ils ont choisi d’y croire. Ils ont choisi l’espoir.
Depuis toujours, ils sont élevés avec les croyances et certitudes de leur camp. Alors ils ne parlent pas de politique lorsqu’ils sont ensembles. De toute façon cela ne les intéresse pas beaucoup et ils n’y comprennent pas grand chose. Les accords de paix, les poignées de main, les négociations, les cesser le feu, tout ca se joue à un niveau qui les dépasse. Au niveau de ceux qui ne vivent pas leur quotidien.
Ils se disent que s’il y avait plus de gens comme eux, peut être que…
Ils se contentent d’essayer de s’aimer. Comme tous ceux qui peuvent le faire n’importe où ailleurs.
Malgré leurs familles.
Malgré leur acte de naissance.
Envers et contre tout.
Ils font des projets d’avenir. Ils se persuadent d’un lendemain meilleur. Un lendemain où ils ne seraient plus que Camil et Chiraz, deux personnes qui s’aiment d’un amour banal. D’un amour tout court.
Ce lendemain s’est éloigné. Brusquement. Sans semonce. Sans signe avant coureur. Une fois encore, les choses se sont jouées à un niveau supérieur. Le niveau où ceux qui prennent les décisions ne les subissent pas.
Camil est inquiet. Sa famille vit dans un petit village éloigné. Il n’a plus de nouvelles depuis le début des bombardements.
Il est des moments où il devient plus dur de s’aimer. Des moments où les légitimités s’affrontent. Des moments où chacun se sent victime du bourreau qui se trouve en face de lui.
L’amour pourtant profond, pourtant sincère a alors du mal à s’affranchir de la situation. Camil est palestinien. Chiraz est israélienne.
Cette différence s’est rappelée à eux douloureusement.
Camil est parti. Pour tenter de ramener ses parents. Pour les mettre à l’abri.
Juste avant de partir, il a pris Chiraz longuement dans ses bras. Il a enfoui sa tête dans ses longs cheveux bruns comme il aime le faire. Il a essayé de fixer dans son esprit ce parfum qui n’appartient qu’à elle.
Elle a pleuré. Elle lui a fait promettre de revenir.
Il a promis.
L’amour comme rempart contre les balles. L’amour pour croire encore qu’il y aura un lendemain où ce sera possible.
Chiraz n’a pas de nouvelles. Elle est inquiète à son tour. Elle ne peut qu’attendre. Et espérer. Chaque jour elle écoute à la radio les comptes rendus officiels.
Elle écoute ceux qui ont pris les décisions, de loin, raconter ce qu’elle voit, elle, à travers sa fenêtre.
De Camil il ne reste rien. Des lambeaux de chair déchiquetée comme le sera le cœur de Chiraz lorsqu’elle l’apprendra.
Il ne pourra pas tenir sa promesse.
L’amour finalement n’aura pas suffi.
J’entends parler du conflit israélo-palestinien depuis des années. J’ai en tête des images de poignées de main. De poignées de main que l’on disait même historiques. Manifestement pas suffisamment.
Je ne sais pas qui a tort et qui a raison. Je ne cherche pas à le savoir. Je ne cherche pas à comprendre. Je n’ai pas l’intention de prendre partie, de défendre une cause. Ce n’est pas le but de ce billet.
Camil et Chiraz. Une histoire totalement fictive, mais sans doute pas très loin de la réalité. Parce qu’il y a sans aucun doute des gens comme eux. Qui s’aiment et cherchent simplement à pouvoir le faire. Parce que l’amour se fiche de la couleur de peau, de la religion, des nationalités. Je veux croire qu’un jour peut-etre l’amour suffira.
Source de la photo : http://sillicia.unblog.fr
Très joli billet
Merci <3
Billet simplement rempli d’amour, un amour impossible encore à certains endroits de la planète. Quand tout ça cessera ? J’avoue ne pas tout comprendre non plus dans ces conflits qui durent depuis une éternité… c’est triste à en pleurer. Très beau texte cependant.
Merciii…. Je me suis dit que cela méritait une histoire, un regard différent…
Très jolie histoire . Je pense souvent à toutes ces personnes qui vivent là bas, où dans tous les autres pays en guerre, ces personnes qu’on n’écoutent pas, et qui pourtant vivent l’enfer à chaque seconde. Je me demande comment ils font pour garder espoir …
Moi aussi je me le demande…
Quelle très jolie fin et quelle puissante histoire !! Bravo encore et toujours, je t’admire …
Merci beaucoup !!!!!