1 vendredi / 1 nouvelle – Abus
Les vendredis s’enchainent et ne se ressemblent pas. C’est le moins que l’on puisse dire….
Abus
Elle essaie de ne pas crier. Elle se mord les lèvres presque jusqu’au sang. Elle agrippe son matelas du pus fort qu’elle le peut. Elle pense à ses copines, elle pense au dernier épisode de sa série préférée qu’elle a regardé dans l’après-midi.
Elle essaie de faire comme si il n’était pas la. Comme si ce corps de grand bien trop lourd n’était pas sur le sien bien trop frêle. Comme si ses mains moites et épaisses ne touchaient pas la naissance de ses seins, ne martyrisaient pas sa peau blanche.
Oui elle essaie.
Depuis presque 3 mois.
Depuis qu’un soir il est venu dans sa chambre pour lui dire bonsoir et qu’il a refermé la porte derrière lui. Depuis qu’il lui a dit que si elle parlait de ca à quelqu’un il tuerait sa mère.
Au début elle n’a pas bien compris ce qu’il venait faire dans sa chambre. Elle ne s’est pas méfiée quand il s’est assis sur son lit. Quand il a commencé à glisser sa main sous sa chemise de nuit. A 10 ans on ne comprend pas bien. A 10 ans on ne sait pas trop.
Et puis il lui avait fait mal. Très mal. C’était comme si son corps se déchirait en deux. Elle avait crié mais il avait mis sa grosse main sur sa bouche. Elle avait essayé de se débattre, mais quelle chance avait-elle avec seulement le poids de son enfance…
Chaque matin elle se dit que peut-être c’est terminé. Que peut-être il ne reviendra pas le soir.
Elle essaie d’être sage, de rester bien tranquille. Peut-être que c’est parce qu’elle avait été méchante qu’il est venu. Pourtant elle a dit qu’elle était désolée d’avoir cassé un verre. Elle n’avait pas fait exprès.
Mais il revient.
Chaque soir.
Après que tout le monde se soit endormi.
C’est toujours pareil. Elle entend la poignée de porte qui s’abaisse. Elle l’entend qui s’approche. Elle commence à trembler sous sa couette. Elle sent son haleine de cigarette. Et puis elle sent la Morsure.
Quand il s’en va, elle a envie de s’arracher la peau. Elle attend qu’il soit retourné dans la chambre de sa maman et sans faire de bruit elle va dans la salle de bain. Elle se frotte avec le gant de toilette jusqu’à en être rouge. Pour enlever l’odeur. Pour faire disparaître.
Quand de retour dans son lit, elle finit enfin par trouver le sommeil, elle fait un cauchemar. Toujours le même. Elle se rend dans son bureau. Celui ou il range ses fusils. Elle place deux cartouches dedans. Elle sait comment on fait, elle l’a bien observé lorsque le dimanche il prépare ses fusils pour aller à la chasse. Deux cartouches. Pour être sure. Puis, elle ouvre tout doucement la porte de la chambre où il dort. Elle s’avance lentement pour ne pas le réveiller. Et elle tire. Une fois.
Chaque soir le même cauchemar. Ca la soulage un peu. Quand elle a tiré, elle se sent mieux.
Ce soir maman n’était pas la. Elle est partie deux jours à Lyon pour son travail. Elle lui a fait un bisous ce matin en partant et lui a dit « ne t’inquiète pas ma puce, Bertrand va bien s’occuper de toi ».
Il a mis la main sur ses épaules et il a répondu « mais oui ne t’inquiète pas, on va bien s’amuser Lucie et moi ».
Ce soir maman n’était pas la.
Ce soir, il est venu dans sa chambre plus tôt que d’habitude.
Ce soir ca a fait encore plus mal. Alors qu’elle s’agrippait au matelas, qu’elle essayait de faire comme s’il n’était pas la, elle l’a entendu lui murmurer à l’oreille « Tu vois ma petite Lucie, je m’occupe bien de toi. Je sais que tu aimes. Tu sais j’ai demandé à ta maman de se marier avec moi. Elle a dit oui. Comme ca, je ne te quitterais jamais. Jamais ».
Elle a attendu longtemps avant de se lever et d’aller dans la salle de bains. Elle a frotté ses bras, son ventre et ses jambes comme jamais. Et puis elle est retournée se coucher.
Dans son lit, les genoux remontés sur sa poitrine elle s’est endormie. Paisiblement.
Ses bras sont enroulés autour du fusil. Du fusil qui ne contient plus qu’une seule cartouche.
Il n’y aura pas de cauchemar cette nuit. Non. Pas de cauchemar.
Parce qu’elle sait qu’il ne reviendra plus.
Une merveille…. Atroce, mais si poignant!
Je savais que t’aimerais ! Plus c’est dur et plus tu trouves ca bien !
Je trouve ça plus courageux d’écrire des choses tragiques: plus dur a écrire, plus dur a faire lire. Donc oui je loue l’audace, surtout quand elle est talentueuse!
… pardon, je n’ai pas de mots aujourd’hui…
Difficile a commenter je le concois.
Ouch !! Heureusement que tu as mis une fin espoir. C’est très bien écrit comme toujours mais un peu dur pour moi 🙁
Bises
ps : ma meilleure amie s’appelle Lucie
C’est un joli prenom !
Brrrrr (impossible de dire autre chose, à chaud)
C’est bien brrrrr. Ca me va comme mot ! 😉
Tu écris bien. Ca m’a fait froid dans le dos ce texte…
Merci pour le compliment ! 🙂
Les tripes à l’envers !
Trop dur ce texte-là…
Oui desolee….
Faut pas !
C’est une réalité pour certains enfants… C’est sans doute pour ça que c’est si difficile à lire.
D’autant que tu l’écris de façon tellement simple et pourtant si poignante…
Dis donc, faut pas s’appeler Bertrand en ce moment 😉
Sujet compliqué, mais très bien écrit. <3
Wokay ! je vais aller lire un petit oui oui histoire de me remonter le moral !!!
Deux meme hein ! Pas sure qu’1 seul suffise….
en retard cette semaine, mais je regrette de l’avoir rattrapé celui-là!
Tu écris tellement bien. Par contre c’est juste immonde comme histoire…
Immonde c’est le mot.. Mais hélas tellement fréquent… Ca me fout la gerbe….