1 vendredi / 1 nouvelle – Jenny
L’autre jour dans la voiture, j’ai découvert cette magnifique chanson de Gérald DE PALMAS « Jenny »… Les paroles, la voix, la musique, tout est parfait.. Et immédiatement, des mots me sont venus, une histoire… Alors la voici.
Jenny
Sur son tabouret, dans ce bar crasseux dans lequel elle vient s’asseoir tous les soirs, Jenny attend. Que quelqu’un la siffle. Que quelqu’un l’accoste. Que quelqu’un la baise.
Elle est jolie. Plantureuse. Elle est facile bien qu’un peu onéreuse.
Ce soir comme tous les soirs, elle a enfilé son costume de scène. Une robe rouge et des talons aiguilles. Son costume de putain comme d’autre en ont d’infirmière ou d’ouvrier.
Elle a maquillé ses yeux et sa bouche. Dans le miroir elle a assisté à la transformation. De la femme jolie et naturelle à la femme que l’on se paie.
Elle a besoin de ne pas se reconnaître. Ou en tout cas moins. Elle a besoin que ce ne soit pas complètement elle qui passe de lit en lit. De position quatre pattes en position allongée. Un costume comme un bouclier. Un costume pour ne pas se laisser éclabousser par le dégoût.
Il n’y a pas foule. Quelques habitués. Certains lui ont souri. D’autres font comme si elle n’était pas la. C’est toujours comme ca. Ceux qui passent entre ses cuisses n’ont ensuite pour elle pas l’ombre d’un regard. L’audace dont ils ont du faire preuve pour la faire monter dans leur bagnole disparaît quand par la suite elle est en mesure de se moquer de la taille de leur sexe ou de leurs prouesses.
Il s’est assis à côté d’elle. Elle ne le connaît pas celui-la. Première fois qu’il vient ici. Première fois qu’elle le voit. Du coin de l’œil elle l’observe. Il est laid. Et, il pue. De sa voix nasillarde il commande un whisky. Et puis il ajoute « demande à la petite dame ce qu’elle veut boire ».
La petite dame. C’est comme un code pour lui dire si vous êtes libre je veux bien passer un peu de bon temps avec vous.
Jenny tourne la tête vers lui. Il est aussi laid qu’elle avait pu en juger de profil. Malgré tout, elle colle sur son visage son sourire de bienvenue. Son sourire qui signifie « si tu as du fric, la petite dame est d’accord ».
Elle se rapproche de lui et, ses yeux droits dans les siens, elle lui dit qu’elle veut bien un bloody mary. Sauf si bien sur il préfère il lui offrir un café chez lui.
Sa soirée de travail peut commencer.
Cette fois Jenny n’aura pas eu à aller chez lui. Il faut dire que chez lui, il y a une femme et des gosses. Scénario classique. Elle ne s’en étonne même plus.
Il s’est contenté d’une pipe dans sa familiale. Elle s’est efforcée de ne pas regarder les trois sièges auto ni les autocollants « baby on board ». Elle a essayé de penser à autre chose. Pour ne pas vomir son dégoût de lui, son dégoût d’elle-même.
Il lui a tendu un billet de 50 euros. Il lui a dit qu’elle suçait bien, qu’il faudrait qu’elle donne des cours à sa femme.
Elle est sortie de la voiture. Elle a claqué la portière. Il a démarré et elle l’a regardé partir. Elle se dit que quand il sera chez lui, il ira embrasser ses gosses. Et peut-être que si sa femme est disposée, il la tripotera un peu. Peut-être qu’il pensera à elle. Ou peut-être pas. Au fond peu importe.
Elle repart vers le bar, vers son tabouret. Il n’est que 19h30.
Dans le miroir de son appartement, Jenny regarde sa joue tuméfiée. Elle y applique une poche de glace. Pour que ca dégonfle. Pour que ca fasse moins mal.
C’est souvent, elle finit par être habituée. Pour certains hommes, il n’est pas suffisant de la sauter, il leur faut en plus la frapper. Ils paient alors elle leur appartient.
En fin de soirée, elle est tombée sur un type qui une fois chez lui n’a pas réussi à bander. La petite dame du bar est alors devenu la salope qui s’y prend mal. Il lui a balancé un billet chiffonné de 20 euros et il l’a cogné quand elle a réclamé le reste.
La glace a anesthésié sa joue. La plaie va mieux en surface, mais la blessure à l’intérieur est profonde. Chaque jour un peu plus douloureuse.
Jenny se démaquille. Elle fait disparaître la pute. Elle fait réapparaitre la femme. Et comme depuis quelques soirs, elle finit par pleurer. De rage. De colère. De détresse.
Elle essaie de se convaincre qu’elle vaut mieux. Peut-être pas beaucoup mais en tout cas un peu.
Et puis elle pense. A ce petit bout de quelque chose qui grandit en elle. A ce morceau de rien caché entre ses reins. A cette miette d’elle qu’elle aurait du balayer comme les autres, comme les autres fois.
Alors elle s’allonge sur son lit. Elle se dit que demain peut-être. Que demain sera un autre jour.
C’est fou comme on dirait que tu connais vraiment tous ses gens que tu décris, et comme tu nous fais les aimer. Chapeau, again !
Ce commentaire me touche beaucoup ! Au fil des semaines et des mois je me suis aperçue que ce que j’aime par dessus tout c’est inventer des personnages. leur faire ressentir des émotions. Et les transmettre au lecteur.
Encore BAM en plein cœur ! J’ai beaucoup aimé le rythme de cette nouvelle… et la fin…
Merci ma crevette ! Et la chanson est juste magique. Si tu ne l’as jamais entendue file sur youtube !
Tu m’as cueillie aux tripes comme souvent. Merci pour ma lecture attendue du vendredi. Tu as de plus en plus de punch je trouve.
C’est gentil !!!! J’ai l’impression aussi que je m’améliore (sans prétention aucune) et ca fait plaisir.
j’adooooore Depalmas, et je t’adooooore, ça ne pouvait que faire un bon mélange 😉
Encore une histoire émouvante, MERCI
Moi aussi je t’adooooore ma belle ! Merci pour ta fidélité !
Je me répète encore et encore mais tu as un don de fou !!!!!!!!!!
je lis ton histoire au bureau et à chaque ligue, je croise les doigts pour que personne ne rentre et que je ne sois pas coupée au milieu.
j’adore, tu es incroyable !!!!!!!
C’est trop de compliments !!!! Bon allez en vrai ca me fait trop plaisir à chaque fois !!!! Et ca m’aide aussi à continuer à croie qu’un jour un encore plus grand est possible.
Quel rythme ! ça te va bien d’écrire avec de la musique dans la tête : c’est tellement fluide et sensuel.
Ouh bah ca c'(est du compliment de chez compliment Monsieur caillou !! J’espère que la suite du jour te plaira tout autant !