L’alphabet et moi – M comme Mots
Il y a tout de sorte de mots.
Il y a des mots d’amour prononcés pour ceux que l’on aime. Des « je t’aime », des « tu me manques ». Des mots d’amour qui deviennent des petits noms « chéri », « chouchou », « loulou ».
Il y a des petits mots que l’on trouve le matin griffonnés sur un post-it. Des « n’oublie pas d’acheter le pain / d’aller cherches les enfants / de vider le lave-vaisselle ». Des mots du quotidien en somme, qui n’est supportable qu’avec les « passe une bonne journée » ou « A ce soir ».
Il y a des mots qui verbalisent des maux. « Souffrance », « douleur », « peine », « dépression », « mal-être ». Ces mots là sont toujours difficiles à prononcer. On les garde en soi, on les garde pour soi, on les nie, on pense que ce n’est que pour les autres. Et puis un jour, il faut bien se rendre à l’évidence. Il faut les faire sortir, et on peut commencer à travailler pour se sentir mieux.
Il y a des gros mots. Ceux qui ponctuent nos phrases sans même que l’on s’en rende compte. Des « merde », des « putain », des « rhaaaaaaa fais chier ». Ces mêmes gros mots qui évoluent quand dans notre espace vital sont venus se greffer des enfants aux oreilles chastes. Oui, parce que quand votre enfant vous demande « maman c’est quoi putain ?», on se dit qu’il est temps de changer de vocabulaire. Alors putain devient flutain.
Il y a des mots qui ne sont pas des gros mais qui pourtant sonnent pareil. Des mots comme « objectif » ou « sanction ». Et il y a « motivation » aussi. Ce mot que l’on se traine comme un boulet, ou alors qui a tout bonnement disparu selon les jours. Ce mot que l’on se scande tout seul le matin pour réussir à sortir de la couette. Ce mot que l’on se répète devant son ordinateur pour terminer le dossier en cours et non pas aller glander sur internet.
Il y a des mots d’enfant, qui nous font sourire, voire carrément rire. Des mots que l’on devrait noter pour ne pas les oublier. Il y a le « déchitrus » de Son altesse grand garçon, savant mélange de déchets et de détritus. Et puis il y a le « C’est qui le boss ? Boss à dents » de Sa Majesté de la Poupette.
Les mots sont ce qui nous différencient des animaux. Ils nous permettent de causer pendant des heures, de tout, de rien, de parler de la pluie et du beau temps avec le coiffeur, de débattre, de s’engueuler, de refaire le monde.
Les mots parfois se font discours et sont utilisés pour défendre une cause. Ils permettent de sauver quelqu’un de la peine de mort, ou de faire adopter une loi pour l’avortement.
Les mots peuvent être aussi autant de coups de poignards destinés à blesser l’autre. Ces plaies là ne se soignent pas à coup de points de suture, elles sont le plus souvent bien plus profondes et bien plus vicieuses. On croit qu’elles ont disparues et elles réapparaissent, au détour d’un chemin, d’un souvenir, d’une odeur.
Les mots me nourrissent. J’en ai plein la tête, partout, tout le temps. Les mots sont comme des pas, je les écris l’un après l’autre, je les assemble pour qu’ils forment une histoire. Une histoire qui va faire sourire, qui va faire froid dans le dos, qui peut aussi parfois faire pleurer.
Sans les mots, je ne serais rien, ou presque. En tout cas je ne serais pas moi c’est certain.