1 vendredi / 1 nouvelle – Paul
J’espère que je vous ai manqué !! Enfin plutôt que mes nouvelles vous ont manqué… Oui je sais deux semaines sans rien, deux vendredis mornes, je conçois que ce soit bien triste… Mais me revoilà ! Bon ne crions pas victoire tout de suite, il me faut me rendre à l’évidence, je ne vais pas pouvoir continuer cette rubrique tous les vendredis. J’en vois d’ici qui s’apprêtent à se jeter d’un pont devant la terrible nouvelle.. Pitié ne sautez pas ! Si je ne vais pas pouvoir tenir la cadence c’est pour une bonne cause ! Si, si je vous jure. C’est pour un roman ! Si ça ce n’est pas de la bonne cause ! Il m’est difficile de me concentrer sur plusieurs histoires à la fois. Je ne dis pas qu’il n’y aura plus de nouvelles, mais en tout cas ce ne sera plus chaque vendredi. Et pour rendre la pilule plus douce, voici donc une nouvelle ! J’espère qu’elle vous plaira.
Paul
« Mon très cher Paul,
Tu me manques. Je ne sais jamais comment débuter les lettres que je t’écris. C’est comme si le « comment vas-tu ? » était déplacé… Alors je me suis dit qu’il fallait que je commence par ce qui a vraiment de l’importance. Et ce qui a de l’importance c’est toi. C’est nous. Chaque soir je relis tes lettres. J’en connais maintenant presque chaque mot par cœur. Il faut dire qu’elles se font de plus en plus rare. Je tente de me rassurer en me disant qu’elles doivent toutes être bloquées quelque part et que je les recevrai toutes en même temps dans quelques jours. Que ce n’est pas toi qui ne peux plus m’écrire… J’essaie de ne pas trop écouter la radio, mais je suis quand même au courant par ce que les femmes en disent au marché. Je me refuse de t’imaginer sous le bruit des balles ou encore allongé dans la boue, dans les tranchées, la peur au ventre. Non, je ne veux pas penser à toi comme cela.
Alors, quand je ferme les yeux, je te vois dans ton beau costume bleu marine le dernier soir où tu m’as emmenée danser. Juste avant ton départ. Tu étais si beau. J’ai gravé dans ma mémoire et dans mon cœur la sincérité de ton sourire, la chaleur de tes mains, le désir dans tes yeux. Oui, je ne veux aucune autre image de toi.
Ici, la vie s’écoule lentement. Nous ressentons nous aussi les effets de la guerre. Les privations sont importantes. Les tickets de rationnement ne sont guère utiles vu qu’il n’y a presque plus rien dans les rayonnages. Mais ce n’est pas grave. Nous avons encore la chance de nous endormir le soir dans un vrai lit et en sécurité. Comme je voudrais que tu sois avec moi. Comme je voudrais pouvoir m’endormir dans tes bras. Le souvenir de tes baisers sur le quai de la gare continue de me donner le rouge aux joues. Oh oui mon Paul tu me manques tellement.
Tu sais j’essaie de préparer notre mariage. J’ai réussi à obtenir un beau petit carnet blanc sur lequel je peux noter tout ce dont j’ai envie pour ce jour la. La couleur des fleurs, la dentelle sur les nappes, les nœuds dans mes cheveux. Ce sera une très belle journée tu verras. Et nous serons heureux. La guerre ne peut pas durer éternellement. C’est Madame Bichaut qui le disait encore hier : « nous sommes bien plus forts que les allemands, nos hommes serons bientôt de retour ». Je sers les poings de toutes mes forces pour qu’elle ait raison. Pourtant cela fait quand même plusieurs mois que tu es parti. Est-ce que la guerre est sur le point de se terminer ? Peut-être que tu le sais toi ?
Je donnerai n’importe quoi pour que tu me reviennes, n’importe quoi. Même si je ne devais plus jamais recevoir de lettre de ta part. Je me contenterais de celles que tu m’as envoyées. Et je les relirai encore et encore jusqu’à ton retour.
Surtout fais attention à toi mon Paul. Que mon amour t’apporte un petit peu de chaleur ; Sache que je pense à toi chaque minute et chaque seconde de chaque journée.
Ton Adélaïde.
13 février 1915 »
– Madame Adelaïde ?
– Oui ?
– il est l’heure de descendre en salle à manger Madame Adelaïde. Il est 19heures. Vous vous souvenez ? 19 heures c’est l’heure à laquelle le repas est servi.
– Je terminais d’écrire une lettre. C’est pour mon fiancé. Vous pensez que la guerre sera bientôt terminée ? Je ne sais pas si je dois croire cette Mme Bichaut. Ils ne m’ont pas l’air aussi faibles que cela les allemands. J’ai comme un mauvais pressentiment vous savez.
– Madame Adelaïde, je vous l’ai dit tout à l’heure, la guerre est terminée. Nous ne sommes plus en 1915. Nous sommes en 2015. Et vous n’avez jamais été mariée. Vous vous rappelez ?
– Je… Mais… Mon Paul… Oui, c’est vrai. Oh mon dieu…
– Venez Mme Adelaïde, il y a de la soupe ce soir, celle aux poireaux, votre préférée.
– Il faut que je prenne mon châle.
– Oui, allez y, je l’ai accroché derrière vous tout à l’heure. Sur la patère à côté de votre fauteuil.
La vieille dame aux cheveux argentés fait quelques pas pour décrocher son châle.
– Mais, il faut absolument que je poste ma lettre. Mon Paul il est tout seul là-bas, il a besoin que je le réconforte. Vous croyez que le vaguemestre pourra venir la chercher ? Vous verrez, il va rentrer bientôt. Oui bientôt. C’est forcément Mme Bichaut qui a raison. La guerre ne durera pas. Ce n’est qu’une question de semaines maintenant. Nous allons nous marier Paul et moi. Il y aura des jonquilles sur les tables. J’aime les jonquilles. Vous pouvez appeler le vaguemestre pour ma lettre ?
– Venez Mme Adelaïde, venez…
Frissons
Putain de vie
Oui hein…
C’est tristounet comme histoire… Bon en attendant, si tu nous prives des nouvelles du vendredi, tu as intérêt en retour de nous pondre un best seller!!! 😉
Oh bah je fais un max hein ! 😉
Alors la je suis émue troublée c’est très émouvant …
Alors la je dis bravo : tu as laissé un commentaire !!! Ca c’est chouette !!!! 😉
c’est pour une TRES TRES bonne raison… et puis c’est bien de se faire désirer 😉
Très belle histoire, j’imagine ma grand mère à l’époque et j’ai les poils tout droit sur les bras.
J’ai tellement hâte de lire ton roman… <3
J’y travaille, j’y travaille !! 🙂