1 vendredi / 1 nouvelle – Gauche ou Droite
Vous ne rêvez pas. On est vendredi et je publie une nouvelle. Comme au bon vieux temps. C’est lorsque l’on décide d’arrêter les choses que souvent on se rend compte qu’elles nous manquent. J’ai râlé chaque jeudi à l’idée de cette nouvelle à écrire pour le lendemain. Et maintenant que les jeudis et vendredis sont redevenus des jours normaux, je râle parce qu’il n’y a plus de rendez-vous lecture entre nous.
Alors voilà, je me suis mise devant mon écran et je vous ai écrit cette petite histoire. J’espère qu’elle vous plaira. J’espère que vous serez nombreux à la lire. Là encore, comme au bon vieux temps.
Gauche ou Droite.
Elle marchait relativement vite. Il faisait beau alors elle avait décidé de ne pas prendre la voiture. Elle voulait faire une surprise à son mari, passer à son bureau et lui proposer un déjeuner en tête à tête. En terrasse, avec le soleil pour compagnie. Elle se réjouissait à l’idée de ce moment à partager. Elle portait la robe qu’il aimait tant. La rouge avec les doubles bretelles. Celle qui lui faisait des seins pigeonnants. Celle qu’il aimait lui enlever pour lui faire l’amour. Parfois sans attendre d’être chez eux dans l’intimité de leur chambre. Elle rougit au souvenir de la dernière fois où elle l’avait portée. Son désir était ce soir là puissant, impatient. Leur plaisir intense et passionné.
Elle était presque arrivée à destination. Juste au moment de s’engager à droite dans la rue où il travaillait, elle hésita quelques instants à prendre à gauche pour passer récupérer chez le teinturier la veste et les chemises qu’elle y avait déposées il y a deux jours. Et puis, elle se dit qu’elle aurait tout le temps d’y passer dans l’après-midi juste avant de retourner chez eux. Elle prit donc à droite pour le rejoindre. Il était architecte et avait installé ses bureaux quelques mois plus tôt dans cette belle rue dégagée. Un quartier chic comme il se plaisait à le rappeler souvent. Il était fier de sa réussite. Elle était fière d’être sa femme.
Elle pressa le pas, elle n’était plus qu’à une centaine de mètres.
C’est alors qu’elle le vit. Elle esquissa la début d’un sourire, bien vite figé par ce qu’elle avait devant les yeux.
Il était là, superbe dans son costume gris foncé. Celui qui lui donnait cette allure virile et autoritaire.
Mais, il n’y avait pas que lui. Dans son sillage une grande femme brune, jean moulant, talons aiguilles et veste de tailleur. Sa main dans la sienne. Elle s’apprêtait visiblement à partir.
Comme au ralenti, le souffle coupé, elle le vit plaquer cette femme contre lui, sa main droite au bas de son dos, lui écartant de son autre main une mèche de cheveu rebelle, échappée du chignon impeccable. Elle le vit l’embrasser à pleine bouche. En pleine rue. Sans aucune pudeur. Sans aucun respect.
Il tenait cette femme comme il la tenait elle. Il l’embrassait comme il le faisait avec elle. Elle pouvait presque sentir la chaleur de ses lèvres sur les siennes, les frissons que cela lui procurait dans le creux des reins tant l’image lui était familière. La femme brune se dégagea de son emprise et s’éloigna. Lui fit demi tour pour rentrer.
Il tourna légèrement la tête. Leurs regards se croisèrent.
Elle n’avait pas bougé. Elle avait assisté à la scène, incapable du moindre son, incapable du moindre cri. Là dans sa robe rouge, celle qu’il aimait. Elle se sentait à présent ridicule avec son décolleté pigeonnant.
Sans lui donner l’occasion de venir vers elle, elle se mit à courir, à remonter la rue en sens inverse. Aussi vite que le lui permettaient ses sandales à brides, celles qui lui galbaient les jambes. Ca ne pouvait pas être vrai, il devait y avoir une explication. Elle partageait sa vie avec lui depuis cinq ans, elle s’en serait forcément rendue compte s’il avait une maitresse. Il était là tous les soirs, ils sortaient le week-end. Lorsqu’ils allaient diner chez des amis, il la tenait par la taille signifiant bien aux yeux de tous qu’elle était à lui. Et elle aimait ça.
Et pourtant, elle n’avait pas rêvé. Sa bouche sur celle de cette femme. Sa main dans le bas de son dos. Son torse plaqué contre ses seins. Tout cela était bien réel.
Elle courrait depuis plusieurs minutes, à peine essoufflée, sans vraiment regarder où elle allait. Machinalement, elle se retrouva à l’entrée de leur immeuble, devant la porte de leur appartement, au pied de leur lit. Ce lit qu’elle n’avait pas pris la peine de faire ce matin et qui était sans doute encore chaud de leurs étreintes de la veille. Ce lit dans lequel il la faisait se sentir femme.
Elle manquait d’air, il fallait qu’elle s’éloigne, qu’elle réfléchisse, qu’elle tente de trouver une explication. Oui, il devait y avoir une explication. Son regard se posa sur la robe noire qu’elle avait suspendue sur la porte de l’armoire. Ils devaient sortir ce soir. Un diner chez des collègues de travail. Elle se serait faite belle. Il aurait placé son bras autour de sa taille. Il l’aurait faite rire. Si elle ne l’avait pas vu avec la femme brune, ils auraient passé une bonne soirée.
Elle voudrait ne pas avoir eu cette idée de déjeuner. Elle voudrait ne pas savoir. Après tout ce que l’on ignore ne nous fait pas de mal. Maintenant qu’elle savait, elle ne pouvait s’empêcher de se demander depuis combien de temps sa bouche se mêlait à une autre que la sienne. Et s’il n’y avait que cette bouche là. Peut-être qu’il y en avait d’autres. Peut-être qu’il y avait d’autres jeans moulants, d’autres brunes. Peut-être même des blondes.
Elle se baissa pour récupérer une valise sous leur lit. Elle n’avait qu’une envie partir, s’éloigner. Elle ne serait pas l’une de ces femmes trompées et qui font semblant de ne pas savoir. Elle n’était pas de celle qui pouvait partager. Elle savait que jamais plus elle ne pourrait supporter ses mains sur elle.
Elle ouvrit l’armoire, attrapa plusieurs vêtements au hasard. Tout ce qui lui passait sous la main à vrai dire.
– Je peux savoir ce que tu fais ?
Elle sursauta. Elle ne l’avait pas entendu arriver derrière elle.
– Et bien tu vois, là je prends un pantalon, je le plie et je le mets dans ma valise. Je vais ensuite prendre un chemisier et faire la même chose. Ca me paraît clair pourtant.
– Il n’est pas question que tu t’en ailles.
– Et pour quelles raisons ?
– Parce que tu es ma femme. Parce que tu m’appartiens.
A ces mots, elle ne put réprimer un frisson. Son ton était froid, presque métallique. Un ton qu’elle lui avait déjà entendu lorsqu’il parlait affaire. Un ton sans appel.
– Tu as perdu ce droit en fourrant ta langue dans la bouche d’une autre. Oui je suis ta femme mais je ne t’appartiens pas. Ou je ne t’appartiens plus désormais.
– Je ne suis pas de ceux que l’on quitte
– Et moi je ne suis pas de celle que l’on trompe et qui l’accepte sans sourciller.
Elle se tourna de nouveau vers l’armoire. Un pull. Ah et oui un pyjama aussi. Maintenant les chaussures.
La douleur fut instantanée. Fulgurante. Inattendue. Elle poussa un cri et instinctivement couvrit son ventre avec ses mains. Comme pour retenir le sang qui s’écoulait de la plaie. Comme pour retenir la vie qui s’en allait.
– Je te le redis, je ne suis pas quelqu’un que l’on quitte.
1h plus tôt.
Elle marchait relativement vite. Elle voulait faire une surprise à son mari, passer à son bureau et lui proposer un déjeuner en tête à tête. Elle portait la robe qu’il aimait tant. La rouge avec les doubles bretelles. Celle qui lui faisait des seins pigeonnants. Celle qu’il aimait lui enlever pour lui faire l’amour. Elle était presque arrivée à destination.
Juste au moment de s’engager à droite dans la rue où il travaillait, elle hésita quelques instants à prendre à gauche pour passer récupérer chez le teinturier la veste et les chemises qu’elle y avait déposées il y a deux jours.
Une impression de déjà vu. Un pressentiment. Des sueurs froides. Soudainement, elle se sentit mal. La tête lui tournait. Elle s’arrêta quelques secondes pour prendre une profonde inspiration.
Gauche ou droite. Elle hésita.
Et puis finalement, elle prit à gauche.
Contente de te retrouver ! J’ai adoré !!!
wow wow wow… et là je pense au film « un jour sans fin » ou « il était temps »…
♥
Ravie de te relire à ma pause du vendredi.
Merci !!!!! Pour un retour, je suis assez contente, elle est pas mal 🙂
J’aime beaucoup !
Merciiiii !