C’était la journée mondiale de la gentillesse…
Vendredi, j’ai écrit un billet à la con sur la journée mondiale de la gentillesse. Pour vous faire marrer. Je me suis réjouie d’avoir terminé l’écriture de mon second roman. J’ai cuisiné des spaghettis bolognaise. L’homme et moi on a rigolé. Je ne sais plus à propos de quoi. Mais on a bien rigolé. Les enfants étaient surexcités et ils nous ont gonflés.
Il n ‘y avait rien à la télé. Le foot franchement, en dehors de mes élans de chauvinisme pendant la coupe du monde, j’ai moyen envie de le regarder un vendredi soir.
Alors je suis allée me coucher avec mon bouquin. Un bouquin fabuleux. Rien ne s’oppose à la nuit de Delphine DE VIGAN.
J’ai lu quelques pages et puis j’ai ouvert twitter, histoire de donner le change. Ouais couchée un vendredi soir à 21 h 30 je sais pas pourquoi mais ça le fait moyen. Enfin quand on a 70 ans peut-être. Mais quand on en a 35…
Et puis j’ai commencé à voir passer des tweets. Des gens qui s’insurgeaient que l’on n’arrête pas le match de foot. J’ai pas tout compris. Je suis allée sur les sites de chaîne d’info.
Et là j’ai compris.
Qu’un truc grave était en train de se passer. J’ai fermé mon livre. J’ai réallumé la télévision. Entre-temps le match était terminé. Les footballeurs avaient laissé la place à l’horreur.
Des morts. Quelques dizaines. Et puis le Bataclan.
Quand je me suis décidée à couper, minuit passé, on parlait de 38 morts.
Le lendemain à 8 heures, ils étaient 120.
J’avais RDV chez le coiffeur à 9 h 30. RDV pris la veille.
J’ai hésité à y aller. Oui j’ai hésité. Ça m’a paru futile. Evidemment. Surréaliste aussi. Parce qu’en me réveillant, la première chose que j’ai faite c’est d’envoyer des messages à ceux que j’aime et qui vivent sur paris pour vérifier qu’ils étaient en vie. En général c’est pas ce que l’on fait avant d’aller chez le coiffeur.
Toute la journée j’ai relayé les messages de recherche des personnes disparues. Plusieurs fois j’ai vu passer celui de Lola Salines, les messages de son père, de sa maison d’édition. Elle était éditrice. Je ne la connaissais pas, j’ignorais même son nom. Mais c’est le premier message que j’ai relayé. Peu objective sans doute. J’étais touchée.
Et puis les photos de ce couple heureux.
Toute la journée, j’ai vu défiler ces avis de recherche. Et puis hier soir, les uns après les autres, les avis de décès. Celui du couple. Puis celui de Lola. Posté par son père. Je ne la connaissais pas et pourtant j’ai eu de la peine pour elle, pour sa famille.
Vendredi, la vie était normale. J’ai écrit, on a ri, les enfants nous ont gonflés. Le lendemain, rien n’était plus pareil.
Et pourtant… La vie doit continuer. Parce c’est comme ça que ça marche. Parce qu’il faut que ce soit comme ça. Ils nous ont pris la sécurité et l’insouciance de pouvoir sans peur aller prendre un verre en terrasse ou assister à un concert. Ils ont pris des vies. Beaucoup de vies. Mais LA vie, celle qui doit continuer, ils ne l’auront pas. Je refuse qu’ils l’aient.
Tout paraît futile aujourd’hui. Écrire sur le blog alors que des centaines de famille sont dans la souffrance. Réfléchir aux cadeaux de noël pour les enfants alors que Noël aura cette année un goût de sang pour tous ceux qui ont vécu l’horreur.
Oui, tout paraît futile. Mais cette futilité-là je la revendique. Parce qu’après la barbarie, c’est ce qu’il nous reste.
Ce n’est pas faire comme si rien ne s’était pas passé. Ce n’est pas oublier. Ce n’est pas ne pas y penser. Au contraire. C’est parce que ça s’est passé, que j’y pense et que je n’oublie pas qu’aujourd’hui plus que jamais, je m’accroche à cette futilité. Que je vis. Parce qu’ils ne peuvent pas remporter cette victoire-là. Non, ils ne le peuvent pas.
Je te rassure, je suis en vie!